Ce soir je vais vous parler de Dora et de l’effraction du sexuel. Il me semble qu’il y a déjà eu quelques conférences sur ce texte. Je vous suppose connaître le texte de Freud et même de bien le connaître.
Pour ma part, ce soir, j’ai fait le choix de vous parler de la clinique avec les adolescents et peut-être plus particulièrement avec les adolescentes, et je reprendrai certains moments de la cure de Dora pour étayer ce que j’avais envie de vous dire. Autrement dit, je vais laisser un peu de côté la question de l’hystérie bien que nous savons — et il me semble que Françoise Rey l’a rappelé — que la frontière entre une position féminine — je n’ai pas dit LA position mais une position — et l’hystérie est très ténue, nécessitant sans cesse d’être dialectisée.
Il est légitime de se poser la question si Freud n’avait pas justement sous-estimé l’adolescence de Dora. D’ailleurs C. Melman pourra dire que Dora n’était pas prête à recevoir l’interprétation de Freud quand il lui dit qu’elle est amoureuse de Monsieur K. Alors on peut se poser la question : ça veut dire quoi « être prête » ? De quoi s’agit-il au fond ? En tout cas cette formulation a le mérite de faire entendre qu’on ne naît pas homme ou femme, mais qu’on le devient, chacun ayant à faire un parcours afin de trouver les assises nécessaires pour venir prendre place sur la scène de notre monde.
Première remarque sur le terme de l’adolescence, qui circule très facilement au sein de notre social, il en est devenu non seulement un fourre-tout mais dans le même temps ce terme est le plus souvent rabattu à des signes, c’est-à-dire à une série de comportements, notamment des comportements à l’encontre de l’autorité établie, que ce soit les parents ou l’institution scolaire ou autre. Par ailleurs, ce terme est associé souvent au mot crise, mais j’y reviendrai un peu plus tard.
Alors autant les parents redoutent cette période — et pour cause — autant elle s’étend dans la durée. Les conséquences fâcheuses de rabattre ce terme sur des comportements, ça veut dire quoi ? Ça veut dire effacer toute la dimension signifiante du mot adolescence, et les conséquences fâcheuses c’est la non-prise en compte de la question sexuelle propre à cette période de la vie. Parents, institution, adultes en général vont éviter cette question sexuelle ; et côté adolescent, cela peut être l’occasion de s’enferrer complaisamment dans cet entre-deux, celui de ne plus être un enfant et pas encore un adulte.
Or l’adolescence est un temps particulier de subjectivation, un moment déterminant pour la relance de la subjectivité. C’est donc un moment particulier, une transition, voire une traversée subjective, qui entraîne le sujet dans la nécessité de nouer les traits singuliers d’une identité, de sa singularité, à ceux d’une position sexuée puisque cette période, dans notre champ, on va pouvoir le dire comme ça, est marquée par l’émergence d’un Réel, c’est le Réel sexuel.
Pourquoi Dora est-elle au fond très contemporaine ? Elle rencontre Freud pour la première fois à 16 ans, accompagnée par son père. Il est fort probable que, par souci de discrétion concernant sa patiente, Freud ait volontairement modifié son âge en la vieillissant, certains biographes le disent. Donc à 16 ans elle consulte car elle a une toux persistante et des migraines, Freud évoque alors un traitement psychique, mais les symptômes cèdent et le traitement ne se fait pas. Son père la ramène à 18 ans, les adolescents sont très souvent accompagnés par leurs parents, soit parce que ce sont les parents qui font une demande pour leur adolescent, soit parce qu’ils soutiennent une demande chez leur enfant. Donc son père la ramène deux ans plus tard pour les mêmes symptômes — elle tousse toujours — et puis d’autres symptômes se sont rajoutés : crise d’aphonie, des évanouissements spontanés et spectaculaires, elle semble déprimée — on reparlera aussi de la dépression à l’adolescence — elle a laissé une lettre dans laquelle elle évoque son envie d’en finir et elle s’oppose à ses parents. Alors aujourd’hui avec le DSM V, voici ce que ça donne : TOP : troubles oppositionnels avec provocation et TDDH : trouble disruptif de dysrégulation de l’humeur ; je traduis : enfant ou adolescent qui présente une irritabilité persistante et des épisodes fréquents de manque de contrôle du comportement important. Tout ceci est classé dans les troubles dépressifs majeurs. C’est pour vous faire entendre qu’aujourd’hui toute manifestation subjective est réduite à un trouble, eh bien il y a vraiment de quoi en rester troublé.
Alors, petite remarque pour introduire la question de la nomination parce que comme vous le savez la question de la nomination est essentielle pour un sujet. Pour vous le faire entendre, je vais prendre l’exemple “majeur” du nom propre parce que le nom propre c’est quand même par excellence le signifiant qui représente le sujet dans le langage, c’est-à-dire qui représente le sujet pour un autre signifiant. Au niveau du sujet, le nom a cette propriété d’être une fonction de suture, car il vient masquer un trou, le trou du sujet. Masquer parce que le nom finalement ne dit rien de l’essence de l’être, ne donne aucune consistance à l’être et encore moins à mon désir. Du coup il vient comme un collage, c’est-à-dire qu’il va toujours se colloquer sur une déchirure : ce manque-à-être, ce trou du sujet. Dans le cas des classifications du DSM 5, comme j’ai essayé de vous le faire entendre, ce ne sont pas des nominations, ce sont des dénominations. Donc déjà on pourrait jouer dans l’équivoque avec dénomination, mais c’est pour vous faire entendre que justement le manque, le trou du sujet, c’est-à-dire toute la dimension subjective de ces manifestations symptomatiques, sont complètement évacués, puisque ce trou est « bouché » d’une certaine manière, et que donc il n’y a aucune place pour que la dimension de la vérité du sujet puisse se faire entendre. C’est quoi cette question de la vérité d’un sujet ? On pourrait le dire : c’est son désir. C’est-à-dire une chaîne signifiante qui vient à constituer un savoir inconscient. D’ailleurs une petite anecdote ; je suppose que vous avez déjà entendu parler des TOC puisque c’est passé dans le langage courant : les Troubles Obsessionnels Compulsifs. Eh bien ce n’est vraiment absolument pas rare qu’un jeune ou une jeune puissent dire pour parler éventuellement de ritualisations qu’ils ont mises en place, ils disent : « Ah !Je viens parce que j’ai aussi des tocs… euh des tics ! »
Ce qui était intéressant c’est que TOC c’est donc une abréviation, tics c’est un signifiant, et que du coup quand on se met à parler, cette dimension signifiante est totalement nécessaire, elle est nécessaire à toute énonciation, et d’une certaine manière ces jeunes le savent. Le TOC évacue ce lieu Autre de la parole, et pour faire entendre leur énonciation c’est le tic qui émerge. Côté praticien, il est intéressant d’entendre ce « tic » justement du côté de la mise en place d’une adresse, on y reviendra ensuite, d’une adresse à leur énonciation.
Cette question de l’adresse est aussi un point très important dans la clinique avec les adolescents, tout particulièrement aujourd’hui car ils en manquent, ils sont en panne d’adresse, ils sont en panne d’Autre pour pouvoir adresser leur parole.
Alors je vais vous proposer une petite excursion justement autour du signifiant « adolescence » puisqu’il s’agit d’une nomination, que cette nomination appartient à notre discours social, discours social qui a, comme vous le savez, des effets, des incidences sur la subjectivité. Et nos jeunes ont une sensibilité très vive aux discours qui les entourent, discours familial, social, à ce qui y est valorisé, ce qui ne l’est pas. Et puis d’en passer par l’histoire du mot c’est aussi une manière de lire, d’essayer de lire de quelles façons les adultes rendent compte de ce qu’ils en font, de ce qu’ils essayent d’en faire : soit l’initier, soit la façonner, éventuellement la contrôler.
Pour ça je vais m’appuyer sur un article de Patrice Huerre paru dans le Journal Français de Psychiatrie en 2001 (numéro 14), ça date un peu peut-être, dont le titre est : L’histoire de l’adolescence : rôles et fonctions d’un artifice. Pour la jeune fille cette nomination a énormément fluctué, enfin fluctué… elle ne va émerger qu’au XXe, ce n’est pas le cas pour les garçons. Le terme Adulescens est un terme latin, c’est un nom commun qui désignait aussi bien les garçons que les filles et qui a été utilisé dans la Rome antique. Il signifiait alors « celui qui est en train de croître », « celui qui grandit vers ». Il ne se référait alors à aucune catégorie d’âge en particulier. Puis le terme va disparaître et au milieu du XIXe, le mot revient dans le vocabulaire pour désigner les jeunes collégiens qui poursuivent leurs études et qui sont financièrement dépendants, ce qui implique dans la majorité des cas d’appartenir à une certaine bourgeoisie. L’adolescence est alors une notion confuse puisque les critères physiologiques et juridiques se mélangent en même temps que sont confondues puberté et nubilité (nubilité c’est la capacité à se marier). Si les termes adolescent et adolescence existent, c’est donc essentiellement du côté des garçons. Une des définitions du dictionnaire de l’Académie Française de cette époque c’est : « L’adolescent est un jeune homme étourdi et sans connaissance. » Vous entendez la dimension sexuelle ? Elle y est là ! Alors pourquoi la jeune fille n’est pas connotée d’adolescente ? Eh bien la jeunesse des filles commence avec la puberté et finit avec le mariage, et il faut savoir qu’à l’époque elles n’ont pas accès aux cours secondaires, qui sont exclusivement réservés aux garçons jusqu’au XXe siècle. Leur éducation est souvent confinée dans un lieu aseptisé avec une main mise importante de l’Église. Elles sont entre jeunes filles.
C’est donc avec la généralisation de la scolarisation que ce terme va désigner une classe d’âge au XXe siècle, à partir de la loi Ferry qui rend obligatoire l’instruction jusqu’à 13 ans. Dans le même temps, socialement, à cette période, c’est là où se met en place finalement ce qu’on a appelé les rites de passage, alors pour les deux sexes, donc démarrage à 13 ans avec en aval, pour les garçons, le service militaire pour marquer le passage adulte et pour les filles ce sera encore le mariage !
Aujourd’hui il en reste un de rite de passage, c’est le Bac. Corinne Tyzsler, qui est psychiatre psychanalyste, qui a une grande expérience clinique avec les adolescents, rappelait que dans l’équivoque du mot Bac, on pouvait entendre ce passage d’une rive à l’autre. En amont, j’ai tendance à penser que l’entrée en 6e, au collège est aussi un seuil.
De fait, la structuration de l’éducation qui s’est faite en fonction des classes d’âge a eu comme effet que se développent les particularités propres à chacun de ces groupes d’âge, notamment donc celui des adolescents. Et progressivement donc au XXe l’adolescence a été caractérisée du côté de la classe sociale, du côté de cette classe d’âge, valant pour toutes les classes sociales, fille comme garçon. C’est à partir de là que la philosophie, la sociologie, la psychologie, la psychiatrie aussi se sont emparées de ce terme.
Freud, lui, n’évoquera jamais la notion d’adolescence mais il parlera de puberté, notamment dans Trois essais sur la théorie de la sexualité, qui date de 1905, du moment où il publie le Cas Dora. Pour lui, il s’agit de l’importance de passer de l’autoérotisme de l’enfance à la relation d’objet.
C’est peut-être à partir de 1922, avec Jones qui va écrire un livre Quelques problèmes de l’adolescence, qui va permettre à la fois de remplacer, mais peut-être même de dissocier, le terme de puberté et d’adolescence. C’est après-guerre, notamment aux États-Unis, que toute une littérature va se développer sur l’adolescence, qui va peu à peu être présentée comme une maladie, dont il faudrait prévenir les troubles. Winnicott en 1971 rappellera le caractère douloureux mais normal et nécessaire de cette période pour justement contrer cette tendance à en faire une maladie.
La psychiatrie va donc aussi s’emparer de ce champ de l’adolescence, il faut quand même noter qu’elle s’en empare à un moment où on assiste à la montée du chômage, de la toxicomanie et des MST, de l’arrivée du Sida. Voilà, c’est à noter ça ! Aujourd’hui, l’adolescent est plutôt confié à la pédopsychiatrie qui a spécifié des réponses justement à l’adresse des adolescents : des consultations pour adolescents, des CATTP, des hôpitaux de jour et depuis quelques années se sont créé de multiples Maisons des adolescents. Je pense qu’il y en a au moins trois dans le département de l’Isère. D’ailleurs une mère me parlait dernièrement de la Maison des jeunes… Alors de ma génération ça résonne avec MJC, je ne sais pas vous, mais…
Autrement dit, si ce terme adolescence se réfère d’abord à la sociologie au sens où il définit une classe d’âge, dont les bornes changent régulièrement, parce qu’on ne sait pas bien quand ça commence et quand ça se termine, finalement ce concept un peu flou, vient mettre un accent sur le caractère non fixe et labile de l’adolescence. Pour situer Dora dans son contexte, en 1900, la majorité civile à Vienne est fixée à 21 ans pour les 2 sexes, la majorité matrimoniale est à 25 ans pour les garçons, 21 ans pour les filles. Bien sûr les mariages peuvent se faire bien avant 21 ans pour les filles.
Concernant la labilité et le caractère non fixe de l’adolescence, j’avais envie de vous faire cette remarque que la jeunesse de Dora amène Freud lui-même à parfois la considérer comme une enfant, (p. 33 édition PUF) ou parfois s’étonner de ce qu’elle sait, de tout ce qu’elle sait sur les relations sexuelles. Alors après, Dora va lui dire d’où elle en sait quelque chose, et puis à l’inverse il va s’étonner qu’elle ne puisse pas se débrouiller de cette scène du lac. Voyez comment alors de relever de ce qui peut paraître, à la première lecture, un peu flou dans la position de Freud, c’est quand même une manière de vous faire entendre justement à quoi ont affaire nos adolescents, parce qu’ils peuvent très bien avoir des relations sexuelles, mais il n’est pas certain qu’ils soient en mesure d’en endosser les conséquences subjectives, et par ailleurs juridiquement, socialement ils sont sous le coup d’une minoration.
Quand bien même on assisterait pour l’adolescence à un effet, à une construction du social avec aujourd’hui, bien sûr, les effets de l’actualité de l’économie des échanges — les publicistes savent très bien cibler cette classe d’âge — tous ces effets participent donc largement à voiler ce dont il s’agit.
Alors cette adolescence, de quoi s’agit-il ? À suivre Freud et Lacan, c’est donc un temps de franchissement dans le sens où la sexualité fait irruption. Elle se manifeste par la modification réelle du corps, le corps fait retour et prend le devant de l’existence du sujet, et il se trouve alors en devoir d’assumer une identité sexuelle, mais une identité sexuelle qui lui faut tisser donc — ce que je vous disais tout à l’heure — aux traits de sa singularité, tout en assumant ses choix d’objets. Cette émergence se révèle imprévisible, sans frein, bouleversante dans ce qu’elle suscite. C’est l’émergence d’un Réel qui ne parle pas. D’où un certain mutisme souvent constaté, et ce malgré toutes les informations qu’ils en ont eu auparavant. Autrement dit, du côté du corps, rien ne va plus.
Alors ce changement d’apparence physique et le remaniement psychique inhérent viennent donc caractériser cette période au sens où pour Freud — pour Freud mais parce que nous on l’oublie — elle signe le passage d’un temps infécond, voire asexué, vers une sexualité qui est à inscrire dans une relation à l’autre sexe, à l’autre en général même, avec la possibilité de se reproduire. Alors pourquoi on l’oublie ? Eh bien parce qu’actuellement il y a un questionnement au niveau du ministère de la Santé sur le nombre qui reste élevé de jeunes filles qui passent par une IVG en dépit de toutes les informations sur la contraception et du combat des femmes pour tenter de contrôler les naissances. Ce nombre ne baisse pas. Il y a quelque chose à entendre dans cette affaire-là.
Et puis, ce n’est pas parce que vous êtes informés sur la sexualité, telle que cette information est réalisée aujourd’hui, notamment les centres de planification, au sein des collèges par exemple, ce n’est pas parce qu’on vous informe que cela constitue un savoir sur votre propre sexe ! « On ne sait rien de son sexe » pour reprendre une formule de Lacan. Une position sexuée c’est une articulation dans la langue, une articulation du féminin et du masculin, il n’existe aucun savoir consistant venant dire ce qu’est une femme ou ce qu’est un homme. Évidemment cette position sexuée n’est pas forcément congruente avec le sexe anatomique, et on pourrait même dire — Freud parlait de bisexualité, il en parle dans le cas de Dora — mais pour le dire un peu autrement il est aussi possible de dire que chacun est traversé par cette division de la sexuation.
Alors vous allez me dire : « mais Freud quand même, il aborde la question sexuelle avec Dora ! » Sauf qu’il est en place d’analyste et que ce ne sont pas des informations qu’ils donnent, il part du déchiffrage dans la langue de ce qui vient se manifester symptomatiquement pour Dora. Et quand il en parle ça nous laisse entendre quand même qu’il s’agit du côté d’un fantasme — je pense à la toux — de la représentation d’un fantasme sexuel, autrement dit la question désirante elle est là, ce n’est pas de l’information.
Il s’explique ensuite, je ne sais pas si vous vous souvenez, à l’adresse de ceux qui pourraient rester incrédules voire complètement dégoûtés de ce qu’il échange avec les jeunes filles. Ce passage-là nous renseigne quand même sur le refoulement généralisé, à l’époque de Freud, sur la dimension du sexuel. Il y a aussi la réaction de Monsieur K qui nie farouchement ce qui s’est passé avec Dora, son père et Madame K qui embrayent en disant qu’elle est délurée par toutes ses lectures… Quelle belle dénégation.
Aujourd’hui, ce refoulement est véritablement beaucoup plus sévère. Parfois nous avons même des discussions qui iraient dans le sens : alors, il s’agit d’une récusation, voire d’une forclusion ? C’est ce que j’ai essayé de vous faire entendre avec ces questions de dénomination.
Freud considérait cette période comme appartenant au processus de maturation qui vient marquer le remaniement de la sexualité infantile. La sexualité infantile c’est quoi ? C’est ce qui recouvre toute la sphère pulsionnelle autour des orifices du corps. Cette sphère pulsionnelle s’est mise en place avec les premiers soins maternels. Autrement dit, à l’adolescence il y a une mise en avant du corps comme lieu de la jouissance.
C’est donc ce remaniement qui va ouvrir un frayage vers l’assomption d’une position sexuée qui pourra alors s’inscrire dans un rapport à l’autre, je n’arrête pas de le répéter.
Durant cette période, ce sont les processus au miroir qui sont revisités pour pouvoir tenir compte de ce Réel qui émerge. Jean Bergès disait que l’adolescent se trouvait à nouveau dans une problématique au miroir, vous savez, ce qui implique l’image, son image, quand le bébé reconnaît son image dans le miroir, se retourne vers celui ou celle qui le porte pour avoir l’assentiment que c’est bien de lui dont il s’agit. Bergès venait dire : « eh bien c’est un peu la même chose qui se passe, qui est revisité par l’adolescent à ce moment-là », sauf que la demande implicite de confirmation symbolique c’est aux pairs, p.a.i.r.s, qu’elle s’adresse.
Autrement dit cette demande de confirmation, il ou elle va la chercher dans la thématique des identifications, l’Imaginaire est débordé par ce Réel sexuel, il s’agit alors de pouvoir à nouveau le maîtriser, notamment en essayant de maîtriser cette image, image ô combien investie aujourd’hui. Vous savez qu’il y a des jeunes filles qui peuvent passer une après-midi pour faire la photo à poster sur les différents réseaux ; il y a quelque chose d’une prévalence actuellement assez importante. Alors cette image cela peut être la recherche d’un style, d’une façon de s’habiller, une coiffure, un piercing, des tatouages, etc. Alors pourquoi c’est l’Imaginaire qui se trouve le plus souvent à être débordé ? Et bien souvent parce que ce Réel s’impose et qu’il est impossible d’en dire quelque chose sur le moment ; il leur manque, alors j’ai écrit les « clés du Symbolique », mais c’est mal dit, il leur manque des mots. Il leur manque les mots pour endiguer ce qui vient là les déborder et dans le même temps, non seulement les déborder, mais vient les précipiter à une autre place.
Or, cette dimension d’une position sexuée va devoir en passer par la parole, parce que si vous m’avez suivie, c’est dans la parole que cette articulation va pouvoir se mettre en place.
Dans le même temps, il s’agit d’abandonner ses théories sexuelles infantiles : c’est difficile de continuer de penser qu’on fait les enfants par la bouche par exemple. Ce renoncement va souvent de pair avec un déplacement au sein des relations familiales, comme si un écart était nécessaire justement pour se frayer cette nouvelle place. C’est à cet endroit-là qu’on peut parler de crise, mais de crise subjective, c’est-à-dire au sens d’une perte. Parce que même si le sujet ne sait pas bien de quoi il s’agit concernant cette perte, ce Réel sexuel, qui lui faut endosser, va venir remettre en cause le dispositif dans lequel jusqu’à présent il était, mais remise en cause générale de ses rapports aux autres, au monde, aux objets puisqu’il ne peut plus assumer la valeur qu’il avait en tant qu’enfant pour ses parents, pour les adultes qui l’entourent.
Autrement dit, cliniquement, les dépressions sont assez fréquentes chez les adolescents — ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’en occuper — mais le plus souvent elles sont justement liées à cette remise en cause, à cette perte de l’infantile, à la nécessité d’un seuil à franchir, seuil devant lequel un adolescent, une adolescente peuvent se trouver en panne, en impasse. Mais à la fois il faut entendre ce moment logique dans la structuration, puisqu’il s’agit d’abandonner un certain nombre d’idéaux pour pouvoir s’engager dans la voie de son propre désir.
La dépression de Dora, cette lettre adressée à ses parents, où elle évoque ses idées suicidaires, qui était cachée dans le secrétaire, mais on peut l’entendre de ce côté-là : de quelle perte s’agit-il pour elle ? Quels embarras rencontre-t-elle pour engager son désir à ce moment-là ? Lacan, au début de son élaboration — il est revenu régulièrement sur le cas de Dora — mais au tout début où il a commencé à en parler, il dit que « Dora s’efforce de mettre en place le lieu du désir au-delà de la demande d’amour ». En écrivant cela, je me disais que c’était très actuel, très actuel chez nos jeunes. C’est-à-dire là où aujourd’hui est promue une jouissance illimitée, ils viennent souvent interroger de quel lieu, d’où cette question du désir peut se mettre en place pour eux.
Autrement dit, la clinique avec les adolescents est une clinique de l’émergence du sexuel, avec dans le même temps la mise en place, dans un après-coup, du sens sexuel.
Sur cette question de l’après-coup, il y a dans l’Esquisse un exemple de Freud, l’Esquisse c’est 1895, vous trouvez ce texte dans La naissance de la psychanalyse, c’est Emma. Emma est une patiente qui vient le voir parce que vraiment elle ne peut plus rentrer dans les boutiques — je ne sais pas si vous connaissez cet exemple — c’est terrible pour elle, et elle va situer le moment où ça a démarré pour elle, alors qu’elle avait 13 ans, Freud précise qu’elle venait juste d’être pubère. Elle se présente dans une boutique où il y a deux apprentis qui rient et elle le prend pour elle, en pensant qu’ils rient de sa toilette, qu’ils se moquent d’elle. Elle a un accès de panique et elle fuit en courant. Dans le travail avec Freud va revenir le fait qu’à l’âge de huit ans, me semble-t-il, alors qu’elle allait chez un épicier, à plusieurs reprises cet épicier lui donnait ce qu’elle demandait, ce qu’elle venait acheter, mais en même temps lui passait la main sur les organes génitaux. Freud montre bien que ce sens sexuel, là, n’a pu émerger qu’après, bien après.
Pour Dora, on peut se demander si la scène de l’étreinte avec Monsieur K alors qu’elle n’a que 14 ans, étreinte durant laquelle elle a senti la manifestation du désir de Monsieur K., on peut se demander si cette scène n’a pas pris son véritable sens dans un après-coup et c’est là que je vais situer l’effraction du sexuel. J’y reviendrai sur l’effraction du sexuel. Il y a aussi un autre moment, si vous vous souvenez, Freud s’étonne qu’elle connaisse exactement la maladie de son père. En fait, elle a assisté à une discussion entre sa tante et sa mère, et elle a compris bien, bien après que son père avait eu une vie un peu de débauche, des choses, Freud dit qu’il s’agissait de choses « inconvenantes » ou « choses inconvenables » ou quelque chose comme ça.
Juste une autre vignette pour vous faire entendre cet après-coup, puisque ce n’est pas forcément évident. Une patiente : « Lorsque j’avais 4 ans je ne sais plus pourquoi c’est mon beau-père qui était chargé de nous garder, je ne sais pas où était ma mère, il a décidé que nous devions nous laver ma sœur et moi et on s’est retrouvé dans cette salle de bains et lui aussi était nu. Ça m’a marquée, j’ai posé plein de questions et c’est bien après que je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans cette scène… Et j’ai culpabilisé de ne pas avoir souffert de cette scène au moment où elle s’est produite. »
Vous entendez, sur le moment impossible de lire de quoi il s’agit, ça vient prendre une autre couleur après.
Alors évidemment, l’irruption de ce Réel sexuel va nécessiter un frayage qui va être différent pour un garçon et pour une fille. Cette nouvelle place qui va devoir prendre en compte ce Réel va donc engager chacun différemment dans son rapport aux autres et à l’autre sexe. Dans un texte de Lacan, que vous connaissez certainement, qui s’intitule La signification du phallus, Lacan rappelle que le phallus ouvre une dialectique côté homme, celle de l'avoir sur fond bien sûr de ne pas l’avoir, et côté femme, celle de l'être sur fond de ne pas l’être. Mais bien avant cela, pour que ça puisse se mettre en œuvre, il s’agit que l’enfant ait confondu ce phallus avec ce qui manquait à la mère, au désir de la mère.
Alors je passe, je ne vous parle pas des questions côté homme, je vous en dis deux mots parce qu’il n’était pas question de le développer ce soir, juste un mot quand même pour situer ça. L’une des difficultés est de pouvoir faire entendre un discours affirmatif à partir de son énonciation, et pour lui il va s’agir de s’approprier son fantasme, c’est-à-dire d’où part son désir : dans la préface à l’Éveildu printemps écrite en 1974, Lacan fait entendre que « faire l’amour à une fille ne peut se faire pour un garçon sans l’éveil de ses rêves ». Donc appropriation de son fantasme et puis dans un deuxième temps il va devoir refouler un signifiant du trait phallique pour endosser une virilité. C’est quand même pour le garçon la période où il va découvrir que l’objet cause de son désir n’est pas le même que celui qui cause son amour par exemple. « Pas facile de draguer une fille quand on est amoureux, c’est beaucoup plus facile quand on ne l’est pas ! » Ou alors que l’objet de son désir n’était pas celui attendu par le devenir de son sexe anatomique… C’est aussi cette période-là. Si un jeune homme se trouve court-circuité dans sa parole, à l’extrême, il peut être poussé à des « agirs ».
Pour une fille il n’y a pas de signifiant représentant le trait féminin à refouler qui viendrait asseoir sa position féminine une bonne fois pour toutes. Ce qu’une fille va rencontrer dans sa quête de reconnaissance symbolique de sa position de femme, c’est le manque, c’est le signifiant du manque dans l’Autre, le trou réel. Sa parole va donc se trouver buter dans son élan sur cette absence de signifiant, là où le garçon lui va trouver un socle sur lequel il peut s’appuyer. Ce Réel sexuel pour la jeune fille ne lui vient pas que du corps qui se transforme mais aussi du regard des autres, adultes et pairs, p.a.i.r.s. Ce regard se modifie et lui indique par là un changement de place mais aussi un changement de valeur, et ce changement est celui qui convoque la dimension du désir. Une jeune fille n’est plus une enfant mais pas encore une femme. Elle n’est « plus une gamine » pour continuer ses jeux d’enfant où le sexuel est en retrait, en latence, et à la fois parfois trop « jeune encore » pour pouvoir endosser pleinement cette place d’être concernée par le désir d’un jeune homme. Une autre vignette clinique : « J’attendais le bus avec mes copines, une voiture est passée, c’était un garçon, un jeune… il a fait demi-tour et s’est garé juste en face de l’arrêt de bus. Il nous regardait. Mais ce regard c’était un regard d’un « j’t’e veux ! ». J’ai paniqué, je suis partie me réfugier à l’intérieur de l’hôpital qui était à côté… »
Comme cette dimension sexuelle lui vient aussi de l’Autre, est-ce que pour une jeune fille, le sexuel ne se présente pas au fond toujours sous forme d’effraction comme pour Dora ? Dans cette vignette clinique, ce regard un peu appuyé a fait effraction, mais ça peut être une main baladeuse, une drague un peu trop franche, une étreinte comme pour Dora. Alors cette effraction bien sûr peut aller malheureusement jusqu’à l’agression réelle. Mais si nous considérons cette dimension du sexuel faisant effraction, la question reste ouverte de savoir comment chacune va s’en débrouiller de cette effraction. Pourquoi je parle d’effraction ? Mais parce que souvent les jeunes filles en parlent assez bien, c’est un moment de sidération sur le coup. C’est dans l’après-coup qu’elles se disent « mais pourquoi je ne lui ai pas mis une gifle ? », « Pourquoi je ne lui ai pas répondu ça ? » Quand cette effraction se fait dans le désir, ce n’est déjà plus la même question. Et pour certaines, de par une disposition subjective, un contexte, une singularité, une temporalité, mais aussi en fonction de l’accueil du féminin qui a été fait par l’Autre maternel, eh bien cette effraction va faire trauma. C’est ce qui arrive à Dora.
Si l’anatomie distingue deux sexes, je vous l’ai déjà dit, elle ne dit rien quant à ce qui fait la virilité ou la féminité. J’ai une autre vignette clinique : « Quand j’ai rompu avec mon premier copain, j’ai voulu maigrir parce que j’étais un peu boulotte… Je me disais que si je voulais rencontrer quelqu’un d’autre, il fallait que je fasse attention à mon physique aussi… — c’est une jeune fille qui a seize ans — Maintenant, les garçons me regardent et me complimentent… Ça fait plaisir… Mais en même temps, on dirait qu’il n’y a que ça qui les intéresse… » Vous entendez cette quête de reconnaissance ? Pour cette jeune fille la question féminine était à l’œuvre, cette demande de reconnaissance est là, mais en même temps elle commence un frayage d’une lecture de ce que lui veut l’Autre. Et après elle peut se poser la question « et moi qu’est-ce que je veux ? ». Elle commence à lire ce que lui veut l’autre.
Cette question du désir de l’autre sexe et, par extension, du désir de l’Autre en général est une dimension particulièrement importante dans l’économie psychique d’une jeune fille, d’une femme. Ce désir de l’Autre, je pense que vous le savez, en passe par un Che vuoï ?, qui est adressé au départ à la mère, et c’est ce Che vuoï ? qui vient permettre la constitution d’un lieu Autre : « Qu’est-ce qu’elle me veut ? » Cette même question se renouvelle le plus souvent au moment de l’adolescence : qu’est-ce que ce garçon me veut ? Mais c’est aussi adressé aux copines, aux profs, aux adultes. C’est donc à partir de ce lieu que va pouvoir se mettre en place cette lecture possible. Alors c’est une lecture qui reste à chaque fois singulière sur la question du désir de l’Autre et dans le même temps cette lecture va laisser une part d’énigme, c’est jamais lu pleinement, mais l’idée c’est quand même de pouvoir en faire une lecture, et dans le même temps il y a donc ce frayage de pouvoir lire et de trouver les appuis pour y aller dans son propre désir. Et pour reprendre une formule de Françoise Rey, c’est de l’Autre et dans l’Autre qu’elle peut les trouver ces appuis, et de l’Autre et dans l’Autre. Ce sont des appuis qui la phallicisent, et ces appuis pour une femme ça peut être le regard et la voix d’un homme. Mais elle peut aussi se constituer comme adresse d’une parole, ce qui la convoque d’emblée en place Autre. Elle peut aussi chercher à s’appuyer sur une parole fiable. Pour vous le faire entendre, je vais vous le faire entendre sous forme inversée : c’est un jeune homme, 16-17 ans, qui pouvait dire : « Ce n’est pas la première fois qu’une fille me dit que je suis trop gentil… — vous voyez la question de la fiabilité ? Et à ce moment-là il a pu dire : j’ai donc décidé maintenant de dire non… », ce n’est pas mal.
Avec l’enseignement de Lacan qui a élaboré cette dimension du pas-tout, on pourrait le dire comme ça : une jeune fille a donc à trouver un frayage pour dialectiser cette dimension du désir de l’Autre en trouvant un appui phallique, qui vient la phalliciser pour pouvoir trouver l’élan de son désir propre, c’est-à-dire ne pas y être toute concernée par le désir de l’Autre et ne pas être toute phallique non plus. Il y a à entendre que sa place du coup reste fragile, précaire, du fait même de ce manque d’appui symbolique, et que du coup son identification narcissique reste aussi fragile.
Alors il n’est pas rare que pour une jeune fille ce moment de l’adolescence, de cette mise en route dialectique, réactualise les difficultés d’être une fille avec un certain nombre d’embarras pour prendre la parole. Elle peut aussi essayer de se défendre de cette dialectique à mettre en œuvre, et tenter de se chercher à se présenter dans son rapport aux autres comme un garçon, c’est-à-dire surtout toute Une. Ou au contraire, elle peut rencontrer la difficulté de ne pouvoir se présenter que comme cet objet concerné par le désir de l’autre, mais l’objet du coup l’objet du déchet : « Je suis nulle, je n’arriverai jamais à rien… personne ne voudra de moi… » Voilà. Il est possible que face à cette dialectique à mettre en œuvre, elle rencontre une impasse telle qu’elle s’effondre subjectivement. Ou il y a aussi cette manière de mettre de côté cette quête de reconnaissance et en répondant de manière très obéissante à la demande de l’Autre familial ou social. C’est quoi cette demande sociale actuellement concernant les femmes ? C’est une autonomie et une assurance au même titre que les hommes, c’est-à-dire qu’en répondant à cette demande du coup il y a une impossibilité de mettre en jeu une responsabilité d’initiative qui tiendrait compte d’une subjectivité et de cette question féminine.
Pour conclure, Dora et cette dialectique à mettre en œuvre, eh bien elle la met en œuvre elle ! On sait très peu de chose sur sa relation à sa mère, ce lien n’a pas été mis au travail avec Freud. Dans sa quête de reconnaissance symbolique, Dora va chercher, pour frayer sa question, des appuis auprès de Madame K., de la Madone, de la cousine, chez la gouvernante, c’est-à-dire dans un registre un peu d’idéalisation, d’identification aussi. Cette dimension des identifications appartient au registre imaginaire, mais pour une jeune fille c’est quand même tenter de trouver des traits d’identifications qui ne soient pas de l’imitation, c’est-à-dire vraiment un appui. Mais au regard de ce lien à la mère dont on ne sait rien pour Dora, si ce n’est son hostilité, mère dont on sait aussi qu’elle était infernale avec son obsession de la contamination, qu’elle passait son temps à nettoyer et à rendre de ce fait la vie impossible à tout le monde. Or ce lien mère-fille est un lien puissant, inconscient, qui ne cesse de mettre la fille dans un mouvement d’aller-retour vers le champ maternel et évidemment à cet endroit-là peut venir se loger la haine. Il me semble que pour Dora, elle, pour aborder l’épopée de son devenir femme eh bien elle le fait en se faisant objet de l’Autre : elle se fait objet de sa gouvernante, objet de Madame K, objet aussi de son père, elle se fait aussi l’objet de Monsieur K en dernier lieu. Et puis à un moment donné il y a cette déception parce qu’elle découvre qu’au-delà de cet amour c’est la dimension du désir et que ce n’est pas elle qui est visée à ce moment-là. Il y a toujours un au-delà. La gouvernante c’était son père, Madame K. c’est le père de Dora, le père de Dora (pour Dora) c’est Madame K., et Monsieur K on dirait quoi ? Eh bien c’est une parmi d’autres. Et la difficulté de Dora c’est de pouvoir trouver un appui pour pouvoir lire et se poser la question : mais qu’est-ce qu’ils me veulent tous ces gens-là ? Et lorsqu’elle en prend la mesure, c’est la déception, celle de la tromperie, elle n’est pas cet objet d’amour qu’elle pensait être, mais dans le même temps c’est la dimension du désir qui vient se présenter à elle. C’est-à-dire un temps durant lequel il s’agit de faire valoir ses manques pour pouvoir articuler un désir, son propre désir. C’est là qu’intervient l’adresse — Dora a eu la chance de rencontrer Freud, même si à la fin de la cure il a fait une erreur, il n’empêche… — pour que quelque chose de la parole de nos adolescents soit entendu car l’adolescence est ce temps d’une demande, mais une demande à entendre au sens analytique du terme, c’est-à-dire une demande à et non une demande pour avoir des réponses. Et cette adresse ne peut se faire que dans une rencontre qui vient instituer la disparité des places, disparité à partir de laquelle se fonde le transfert.
Voilà, j’espère vous avoir fait entendre que chacune a donc à trouver un chemin singulier pour border ce manque d’appui, chemin singulier pour pouvoir tresser cette question de la féminité. Aujourd’hui notre actualité ne me semble pas particulièrement propice à aider nos jeunes gens à tisser dans la parole une position sexuée, car non seulement la lecture en est très délicate pour repérer deux espaces différents et hétérogènes, celui de l’Un des messieurs et celui de l’Autre des femmes par exemple, mais que par ailleurs notre discours social, marqué par le discours de la science, irait plutôt à favoriser une situation sociale hystérisante.
Voilà ce que je voulais vous dire.