Journées d’études de l’ALI à Nancy Où en est-on avec le transfert ? les 25 et 26 septembre 2004

Je partirai de ce point, en forme de question : en quoi consiste une cure ? Je dirai qu’il s’agit de quelqu’un qui se met en disposition d’apprendre la langue de l’Autre. Il se met en disposition d’apprendre la langue de l’Autre, du grand Autre bien sûr, parce qu’il souffre dans la langue qui est la sienne et que ce changement de langue peut se définir comme étant l’amour tel qu’on le conçoit à partir de l’expérience analytique.
Je vais donc parler de ce qui me paraît essentiel sur le plan structural dans le sens où il nous faut tenter de repérer à partir de quoi, sur quels faits repose cette dimension symbolique dont je souhaitais parler comme l’indique mon titre. L’autre question est de savoir ce que nous amène le repérage de cette dimension symbolique ?

Si le transfert a un sens…c’est avant tout et
uniquement pour autant qu’il y a insistance
propre à la chaîne symbolique comme telle.

Jacques Lacan 23 janvier 1957

Comme celles qui ont parlé précédemment ont considérablement défriché le champ de la question, je me contenterai de présenter mon propos sous la forme d’une structure si possible argumentée.

Je partirai de ce point, en forme de question : en quoi consiste une cure ? Je dirai qu’il s’agit de quelqu’un qui se met en disposition d’apprendre la langue de l’Autre. Il se met en disposition d’apprendre la langue de l’Autre, du grand Autre bien sûr, parce qu’il souffre dans la langue qui est la sienne et que ce changement de langue peut se définir comme étant l’amour tel qu’on le conçoit à partir de l’expérience analytique.
Je vais donc parler de ce qui me paraît essentiel sur le plan structural dans le sens où il nous faut tenter de repérer à partir de quoi, sur quels faits repose cette dimension symbolique dont je souhaitais parler comme l’indique mon titre. L’autre question est de savoir ce que nous amène le repérage de cette dimension symbolique ?

Avant de m’engager dans le vif de la question et juste pour cadrer le problème, je reprendrai les termes qui ont été ceux du débat de Freud d’une part et d’autre part de Lacan avec Freud.
Nous savons, parce que nous l’expérimentons sans cesse aussi, que Freud comme Lacan ont associé le terme de résistance au transfert. Ce dont il s’agit de retenir dans cette notion de résistance que constitue le transfert, est d’abord à définir comme une résistance à  la signification, d’où évidemment la pluralité des positions que nous pouvons avoir au regard du transfert. Le problème qui se présente à nous concrètement dans notre clinique est que le transfert ne donne aucun accès à l’inconscient. Autrement dit le désir s’interprète, la demande peut être interprétée mais le transfert ne peut l’être. C’est exactement le problème qu’a rencontré Freud, à savoir ce coté ininterprétable et c’est précisément  ce dont il parle dans son article de  1914 qui s’appelle « Rémémoration, répétition, perlaboration ». Il y a donc un scandale implicite au centre de notre pratique et à partir de là on saisit pourquoi un détour est nécessaire et c’est ce détour que va opérer Lacan pour permettre une issue à la cure et également à l’empirie conceptuelle que constitue le transfert.
Je vais d’abord résumer le débat parce que ce débat est essentiel et central. Freud a lié d’emblée la notion de transfert à la répétition en affirmant, je cite Freud : « Le transfert est la conséquence d’un investissement libidinal en état d’attente conforme à l’un des clichés déjà présent chez le sujet » et il ajoute que « ce cliché se répète plusieurs fois au cours de l’existence ». Deux ans plus tard il va dire : «  le transfert n’est lui-même qu’un fragment de la répétition » et donc pour Freud ces deux notions sont étroitement liées.

 La thèse de Lacan est quelque peu différente dans ceci qu’il affirme que le transfert n’est pas une répétition et que dés lors il est concevable que dans cette acception du transfert, le transfert est un élément nouveau dans la structuration subjective. Toutefois pour Lacan comme pour Freud le transfert s’associe à la notion de résistance. Pour Freud, le transfert est quelque chose qui ne parvient pas à s’énoncer et qui exerce malgré tout une poussée, un Drang allant se traduire en acte. Selon Lacan le transfert est le moyen par où l’inconscient se referme. D’où le paradoxe dans notre pratique de vouloir attendre le transfert pour interpréter mais s’il y a transfert l’interprétation va tomber à plat. Pour accentuer le paradoxe, je rappelle la situation du Banquet c’est-à-dire le moment où tout le monde a donné son avis sur l’amour, ou à peu prés, et où ces considérations sont brutalement interrompues par l’entrée en scène du désir personnifié en la figure d’Alcibiade dont l’excès, dont l’hubris, révèle  le trait de vérité de toute l’affaire qui était discutée précédemment.
Ce rappel  nous permet d’avancer que sous ce qui se présente comme amour authentique et indiscutable dans le transfert, est conditionné par le désir. Raison pour laquelle le premier repérage de Freud lie le transfert à l’automatisme de répétition c’est-à-dire, pour le préciser aux enjeux inconscients de la fonction phallique. Lacan en ce point rappelle qu’il s’agit d’un modèle problématique et il précise je le cite : «  Si le transfert est au niveau de l’inconscient ce qui se referme, il s’agit là d’une voie précaire, ainsi le transfert ne saurait  se suffire de se confondre avec l’efficace de la répétition, avec la restauration de ce qui est occulté dans l’inconscient, voire avec la catharsis des éléments inconscients » et dans la suite Lacan donnera cette nouvelle définition : « Le transfert est la mise en acte de la réalité de l’inconscient en tant que cette réalité est sexuelle ».

Cette orientation non seulement  rattache la question du transfert à la fonction du désir qui le sous-tend, mais par le biais du désir nous indique la relation au manque, parce que plus exactement la répétition dans la clinique est la répétition d’un manque, de quelque chose qui n’a pas eu lieu ou de quelque chose qui n’est pas, qui n’était pas ; enfin de compte cette relation au manque établit la répétition en tant qu’elle est aussi réalité du sujet. Cette répétition, cette relation au manque indique cette dimension symbolique qui est en jeu  dans le transfert en tant que cette réalité de l’inconscient est aussi celle du manque et là aussi quelque chose s’articule du coté du symbolique.

En ce point nodal du transfert et du dialogue de Lacan avec Freud, on peut remarquer que si nous observons avec attention ce qui se passe dans la cure il est assez facile cliniquement de repérer ce qui relève d’un coté  de l’automatisme de répétition et de l’autre ce qui relève du processus du transfert. Prenons un exemple assez courant du patient ou de la patiente qui accumule à la fois de manière rapide des expériences de relations avec des partenaires différents où se répète sans cesse le même ratage, le même échec, où surgissent sans cesse les mêmes demandes insatisfaites mais ce dispositif, qu’on entend s’énoncer dans notre clinique, n’invalide aucunement la situation de transfert propre à la séance et à la cure. Parfois même au contraire, ces échecs extérieurs engendrent ce fait que la cure prend un caractère de situation exceptionnelle conférant au désir de l’analyste un statut tout à fait privilégié. Ce type d’exemple amène aussi à constater que le symptôme tel qu’il se reproduit dans la répétition et celui qui s’articule dans le transfert ne sont pas identiques bien qu’ils puissent s’articuler à la fois dans un rapport à la même demande et au même objet éventuellement. Il y a sans doute des transferts qui peuvent s’établir sur le mode de la répétition en début de cure mais assez rapidement les choses divergent et cette divergence est liée à la présence du désir de l’analyste qui modifie la donne initiale ; disons qu’au minimum l’Autre y occupe une place épurée.

Ma proposition, mon argument en quelque sorte et c’est là où je souhaite en venir, cette proposition, cette conception si l’on veut, est que lorsqu’un transfert est établi nous avons alors affaire à deux chaînes signifiantes distinctes mais qui se côtoient et qui se recoupent régulièrement ou sans cesse. Peut-être que l’assimilation par Freud du transfert à la répétition tient à ce phénomène, c’est-à-dire à l’instauration de deux chaînes signifiantes distinctes mais qui se recoupent en certains points. Remarquons aussi que la définition du transfert par Lacan comme étant  mise en acte de la réalité sexuelle dans l’inconscient, pour quelle raison ne vaudrait-elle pas autant pour le transfert que pour la répétition, autant pour le transfert latéral que pour l’acting-out ? Nous ne pouvons pas trancher à partir de la formulation de Lacan, bien qu’elle soit pour nous d’une qualité opératoire indéniable. Elle ne tranche pas sur cette distinction entre répétition et transfert, puisque de toute façon dans les deux processus se profile à l’arrière plan la fonction phallique.
Si nous admettons deux chaînes signifiantes distinctes l’une qui tiendrait (je simplifie) à l’histoire, à l’épopée du sujet, à son œdipe et puis à la manière particulière où son désir se situe sous la dépendance de la demande et sous la dépendance de la fonction phallique, c’est-à-dire aussi de l’objet a, donc cette chaîne-là que nous connaissons bien et puis il y a une autre chaîne signifiante qui tient à ce mouvement de bascule absolument essentiel où apparaît l’inadéquation de l’objet avec le désir, fait préalablement assumé par le sujet et qui suscite l’amour. Cette seconde chaîne est instituée par la présence du désir de l’analyste.

Cependant ces deux chaînes ont en commun le même manque, c’est-à-dire le même dispositif symbolique et le même réel dont il s’origine. La différence est que dans la seconde chaîne le sujet est assujetti au désir de l’analyste et la question qui se pose tout de suite est de savoir : jusqu’à quel degré il entrera en dialectique avec ce nouveau désir, qui est celui de l’Autre, c’est-à-dire jusqu’à quel point  organisera-t-il cette seconde chaîne signifiante à partir de ce point ? On peut dire jusqu’à quel point parce que ce que nous observons dans notre clinique, nous constatons au décours des cures qu’il y a des personnes qui ont entièrement investi cette nouvelle réalité psychique et puis il  y en a d’autres qui sont restées à une certaine distance sans que pour autant il y ait matière à formuler des jugements, à ce propos.

 Pourquoi insister sur cette seconde chaîne, sur l’existence de cette seconde chaîne ? La première raison est  que l’introduction dans la subjectivité de la présence de ce désir de l’Autre va évidemment bouleverser les conditions anciennes premières que le patient a pu connaître dans son existence et la deuxième raison est que l’analyse, comme nous l’observons régulièrement, va constituer petit à petit une nouvelle métaphore du Nom-du-Père, fait particulièrement sensible chez les hommes. Cette nouvelle métaphore et ceci nous pouvons l’affirmer à partir de toute une série de petits faits qui se manifestent dans notre clinique repérables, par exemple le fait que quelqu’un se mette au travail, c’est curieux on ne lui demande rien et puis un jour il vous annonce qu’il s’est mis au boulot, c’est-à-dire qu’il parvient aussi à réaliser un certain nombre de choses devant lesquelles il était inhibé auparavant ou que son inhibition lui interdisait, etc.. Ce qui montre bien que le transfert n’est pas une simple passivation, qu’il n’est pas une passivation au regard de ce qui a toujours été là c’est-à-dire lié aux phénomènes de répétition puisque le transfert ici se manifeste avec des éléments nouveaux cliniquement repérables et que ceci est lié, on va le dire ainsi : que cette modification se manifeste dans la relation à quelqu’un à qui l’on parle. C’est là l’élément nouveau et de ce fait cette nouvelle disposition n’est pas superposable strictement à la répétition.

J’ouvre une petite parenthèse : lorsque vous lisez divers textes de Lacan, ses séminaires, voire même dans les  Ecrits et puis essentiellement là où il en parle le plus : dans le séminaire des quatre concepts l’on aperçoit que la position de Lacan a varié, elle n’est pas verrouillée et qu’il a pu dire : qu’affirmer que le transfert était quelque chose de différent de la répétition, ce n’était pas  forcément recevable etc.… Il a cherché longtemps sur plusieurs années avant d’arriver à cette formulation qui est celle du séminaire XI.

Aussi banal soit ce rappel de ce fait que l’on vient parler à quelqu’un d’autre,  a tout à fait son importance parce que ces deux chaînes signifiantes que je viens de distinguer ne sont, je crois, que le développement clinique in situ de ce que nous appelons par ailleurs le dédoublement, le clivage entre deux chaînes signifiantes tel que cela se passe pour le sujet qui parle. Mais ici c’est un dédoublement dans lequel se constitue le sujet en tant qu’il est sous le coup d’une chaîne signifiante, celle qu’il est justement en train d’élaborer dans son discours dans la cure. Le sujet là culmine, en quelque sorte émerge dans sa fonction au niveau de la mise en œuvre de son désir. Le graphe mis ce matin au tableau représente cette fonction de dédoublement du sujet au regard de la chaîne signifiante. Dédoublement du sujet mais aussi dédoublement de la chaîne signifiante elle-même. Donc si vous voulez je vais m’arrêter là et peut-être qu’on va pouvoir débattre à partir de cette proposition.


Questions
P.Arel : Je ne peux que souscrire à tout ce que vous avez amené là et peut-être proposer une question à partir de ce point de départ que vous amenez qui est celui de définir le transfert comme la mise en situation pour apprendre cette langue de l’Autre. Il me semble que cela vient réinterroger ce point de départ pour le sujet, le fait qu’il se trouve en ignorance au moment de l’acte qui vient à le fonder. Cet acte-là et son ignorance qui vient organiser la répétition et du coup est-ce que vous pourriez-nous dire qu’elle est le type de gain de savoir qui peut être produit à partir de ce point de départ ?

J.P Hiltenbrand : Ce n’est pas un gain de savoir mais un déplacement du savoir puisque dés lors que le sujet va entrer dans le système dans le processus du désir de l’Autre c’est un autre type d’interrogation auquel il va être amené que celui auquel il était traditionnellement habitué. Cet autre type d’interrogation  signifie qu’il y a déplacement dans le savoir et non pas gain. Il va abandonner une expérience qui était la sienne pour s’introduire à une autre expérience qui ne lui apportera pas un plus au niveau du savoir mais simplement cela veut dire qu’il va investir un savoir Autre.

X   :J’ai du mal à penser que c’est seulement dans l’analyse qu’un sujet peut rencontrer la question du désir de l’Autre. Dans l’existence habituelle qui n’est pas traversée par l’analyse nous sommes tout autant confrontés à la question du désir de l’Autre.
La deuxième chose, c’est vraiment une question : quel rapport peut-on faire entre cette dimension symbolique du transfert et par ailleurs le transfert de travail ?

J.P. Hiltenbrand :  Il est bien évident que dans notre propre existence, on rencontre des patrons et du fait du poids de leur désir ils ont quelque influence sur notre destin pour autant que l’on veut bien comme en médecine ou ailleurs ou à l’université, on veuille bien apprendre quelque chose. Mais ce ne sont pas des patrons à qui l’on parle, ce sont des patrons avec lesquels on parle mais pas à qui l’on parle. L’analyste est dans cette position privilégiée d’être quelqu'un à qui l’on parle et non pas justement avec qui on parle, ce fait est fondamental. Je crois que ceci  permet d’entrevoir pourquoi il y a ce changement parce que le sujet ne va plus débattre avec quelqu’un de ses préoccupations quotidiennes mais il va les dire, les dire à quelqu’un et par conséquent il va se trouver affronté en quelque sorte à la fonction signifiante. Tant qu’on raconte nos histoires, nos malheurs, nos misères, nos soucis, nos tristesses et que ce quelqu’un n’est là que pour participer, commisérer avec nous, l’on parle avec quelqu’un et à aucun moment on n’est affronté, confronté à cette question de cette fonction signifiante telle qu’elle se présente dans la cure. C’est quelque chose de tout à fait spécifique. La cure, son dispositif, a la qualité de nous affronter à la division du sujet devant le signifiant, au clivage et puis à ce développement des deux chaînes signifiantes. Dans notre clinique, cela se démontre facilement, par exemple quelqu’un vient  dire qu’il a un tas d’échec dans sa vie, des difficultés, puis il embraye, il raconte l’histoire avec sa mère et toutes les difficultés  que cela a pu lui causer, le type d’aliénation dans lequel il s’est laissé prendre dont il n’arrive pas à se dégager et  alors : quoi de neuf ? On ne fait pas une cure pour seulement raconter cela. Bien sûr qu'on va en parler mais ce n’est pas pour rendre compte d’une épopée, c’est bien pour que le sujet vienne affronter ce signifiant dont il est en quelque sorte le légataire, le légataire aussi inconscient. Il y a quelque chose que je n’ai pas voulu développer : dans la situation où on restaure l’histoire, au bout de quelques temps, très rapidement même le patient va identifier très nettement ce qu’a été le désir de l’Autre maternel ou de l’Autre paternel. C’est presque l’enfance de l’art dans l’analyse, en revanche ce qu’il ne saura pas et peut-être jamais est quel était l’objet du désir de l’Autre dans la cure. Quel est l’objet du désir de l’analyste ? Donc en second lieu et d’une façon réactualisée c’est le Che vuoi ? : mais alors que me veut-il ? Puisque déjà il n’a rien à dire sur mon histoire mais alors qu’est-ce qu’il me veut ? Pourquoi veut-il que je revienne la semaine suivante ? Il y a là un affrontement inévitable avec la fonction signifiante et cette fonction signifiante est implicite dans cette question du désir de l’analyste. Sauf si l’analyste déverse ses idéaux sur son patient, ses conseils, ses recommandations… ce n’est pas de l’analyse. L’une des grandes fonctions qui est donc attribuée à l’analysant c’est d’essayer d’apprendre cette nouvelle langue où il n’y a pas forcément des réponses fausses parce que ce dont souffre le sujet avec ses symptômes c’est qu’il lui a été répondu à tort et à travers. Donc nous restons dans ce monde divisé, voilà.

X : Je suis tout à fait d’accord avec ton exposé dont il me semble qu’il éclaire beaucoup le travail qui a été exposé depuis hier matin, qui a cheminé comme ça tout doucement en particulier dans cette distinction qu’on a repris depuis l’Ecole de Nancy  pour Freud et que l’acte analytique essaie de saisir à un moment de recoupement.
Est- ce que concernant la répétition nous avons affaire réellement à la constitution d’une chaîne dont le terme serait comparable à celle de la chaîne signifiante du transfert. Tel que l’amène Lacan dans les quatre concepts, c’est du non advenu qui surgit ; peut-être que le terme de chaîne signifiante ne rend pas compte de la différence d’occurrence de l’événement. C’est une première réserve.

J.P.Hiltenbrand :  Je t’arrête tout de suite, tu proposerais quel autre terme ?

X : Je ne sais pas parce que pour moi chaîne est attachée à signifiant et en fait nous sommes là à un moment de surgissement. J’ai du mal à faire le lien avec l’exposé précédent parce que si on dichotomise trop ce que tu as amené et qui est très précieux entre les deux démarches qui sont distinguables absolument et que l’analyse fonde cette distinction, la trace, l’écarte. En fait  si on le fait trop on risquerait de dire que dans la société on ne risque pas de faire de vraies rencontres. Or c’est faux.

J.P Hiltenbrand : ça n’empêche pas la vraie rencontre parce que d’évidence s’il y a cette aptitude pour le sujet d’entrer dans la langue de l’Autre c’est pour ça que j’ai insisté sur le caractère symbolique de cette opération. Il me semble que cette rencontre peut se faire. Il y a quelque chose à préciser qui est un argument en arrière plan de mon propos. Il faut entendre que le sujet n’est qu’un indéterminé et que cette indétermination est fondamentale. Cette indétermination nous ne pouvons pas la lier à la fonction du manque, c’est autre chose. Etre indéterminé c’est être dans une situation de vacillation. Etre en situation de manque, c’est vraiment quelque chose qui manque qu’on aimerait bien. Cette indétermination, elle, est liée au fait que non  seulement le sujet rencontre la fonction du signifiant qui le divise mais est le fait de l'objet de son fantasme. Cet objet du fantasme normalement est suscité par ce qui surgit de béance dans la demande mais cet objet ne vient jamais en adéquation avec la visée de la demande, donc il y a là indétermination pour le sujet. Voilà quelque chose que je demande et puis on me demande de désirer à la place, je désire et je reconnais un objet qui vient donc se substituer au trou qui est là dans ma demande et par malheur cet objet ne ressemble pas ou n’a pas les qualités que je pouvais en attendre. Dans ce long processus  il y a indétermination du sujet parce que même s’il établit un lien serré avec cet objet, ce dernier ne répond de toute façon pas à la question du sujet qui a introduit la demande. Forcément il y a vacuité.

X :   Le transfert est en fonction dans la société et une des choses qui m’a paru manquer à ces journées c’est qu’aucun de nos collègues n’a eu l’occasion d’aborder la fonction du transfert dans les missions qui sont celles de l’enseignement et que nous aussi il y a quelque chose  qu’on a du mal à aborder, ça renvoie à la question du transfert de travail. Entre nous, entre la société et hors du divan on arrive à s’enseigner les uns les autres et c’est là une fonction du transfert aussi présente et dont le sort de la psychanalyse actuelle dépend

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