Petit morceau d’histoire à propos de l’hôpital de Saint-Alban et de l’hôpital de Saint-Égrève, c’est-à-dire Grenoble pour ce dernier, en banlieue comme tous les hôpitaux psychiatriques. Celui d’où, récemment, un malade a fugué et commis un meurtre, un jeune homme y a perdu la vie de façon tragique.
Tragédie qui a incité notre président de la République à organiser dès le lendemain matin une réunion autour de lui à L’Élysée et à se rendre lui-même dans les murs d’un hôpital psychiatrique, à Anthony. Une première a-t-il dit. C’était il y a quelques mois, fin 2008.
Petit morceau d’histoire à propos de l’hôpital de Saint-Alban et de l’hôpital de Saint-Égrève, c’est-à-dire Grenoble pour ce dernier, en banlieue comme tous les hôpitaux psychiatriques. Celui d’où, récemment, un malade a fugué et commis un meurtre, un jeune homme y a perdu la vie de façon tragique.
Tragédie qui a incité notre président de la République à organiser dès le lendemain matin une réunion autour de lui à L’Élysée et à se rendre lui-même dans les murs d’un hôpital psychiatrique, à Anthony. Une première a-t-il dit. C’était il y a quelques mois, fin 2008.
Il nous invitait à nous interroger « sur l’organisation et le fonctionnement de la prise en charge ».
Avait-il une idée pour manifester autant d’empressement ?
Une idée, ce n’est bien sûr déjà pas mal. Lacan semblait y être attentif. Une idée, cela a du prix, surtout dans notre discipline. Cela n’arrive pas souvent, il faut y être attentif, il faut qu’elle puisse être entendue.
Notre président souhaitait-il nous faire part de façon urgente d’une idée ? Ou mieux, souhaitait-il déjà demander aux psychiatres s’ils en avaient une pour répondre à ces tragiques événements, la sécurité n’en étant pas vraiment une ? Une idée, cela a dû lui paraître bien peu.
Mais les psychiatres ont-ils encore des idées ? Dommage que l’on ne leur demande plus que de remplir des cases et plus s’ils ont une idée pour ce qui concerne le traitement des fous et aussi, bien sûr, pour ce qui concerne leur éventuelle dangerosité. Ils n’en manquent sans doute pas d’idées, mais comme on ne les leur demande plus, ils ne savent peut-être même plus que dans notre champ, c’est si important ?
Le docteur Robert Million qui était médecin-chef à l’hôpital de Saint-Égrève est mort. Dire que quelqu’un est mort, c’est dire qu’il a été vivant. Il était arrivé avec Jean Oury à l’hôpital de Saint-Alban, à la campagne, sans doute encore plus à la campagne en Lozère.
Ils étaient jeunes internes dans le service du docteur Tosquelles.
Oury repartira pour prendre un poste de médecin-chef, Millon restera et sera médecin directeur de l’hôpital.
Balvet en avait été le médecin directeur en 1936 et lançait des réformes pour humaniser l’asile.
Bonnafé en sera chef de service avant de quitter l’hôpital pour s’engager dans la résistance et la vie clandestine. Résistance, celle qu’évoque J.-P. Rumen dans son article du numéro précédent. Il proposera l’idée de secteur de psychiatrie.
Tosquelles y fut invité et accueilli en 1940. Réfugié espagnol, il avait emporté avec lui deux bouquins. L’expérience de Guttersloch d’Hermann Simon, « il faut soigner l’hôpital avant de soigner les gens », et la thèse de doctorat de Lacan « De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité ».
Ils ont eu l’idée de la psychothérapie collective, et Daumézon à Fleury-les-Aubrais proposera le terme de psychothérapie institutionnelle, idée qui allait transformer « l’organisation et le fonctionnement de la prise en charge » des hôpitaux psychiatriques, idée un peu différente de celle que proposait le président de la République, une façon de concevoir le traitement et l’hospitalisation des fous et,s de plus, l’idée que cette conception témoignait d’une société. Les travaux de Lacan leur permettant d’aborder différemment la question du traitement de la psychose.
Le docteur Millon a, dès son arrivée à Grenoble, œuvré dans son service pour promouvoir une psychiatrie dont la référence est la psychanalyse, une réflexion sur la psychothérapie institutionnelle, la mise en place très tôt d’une politique de secteur…
Et il nous racontait comment le jeune Frantz Fanon, venu de sa Martinique natale, avant de travailler comme médecin-chef à Blida en Algérie, puis de s’engager dans les rangs du FLN et de mourir jeune d’une leucémie, comment le jeune interne pouvait arriver le matin dans cet hôpital paumé et demander au docteur Tosquelles :
« Monsieur, est-ce que vous avez une idée nouvelle ce matin ? ».