Intervention de Jean Paul HILTENBRAND lors de la Journée de travail sur le séminaire L’angoisse A.L.I Rhône Alpes le 19 Fév. 2011
Le cartel se définit par une élaboration soutenue en petit groupe réunissant un certain nombre de personnes, entre trois et cinq plus une. Cette petite association a pour premier but d'abord d'être limitée et le second but est celui où Lacan considère que c'est s'engager dans les voies les plus propices à maintenir la praxis dans son originalité. Déjà vous voyez, en 71, il s'agissait de marquer un peu les choses du côté de l'analyse et que ce ne soit pas n'importe quoi. Et le troisième point défini par lui est la critique assidue des compromissions et déviations qui amortissent le progrès de l'analyse. L'accent est porté là à ce qu'il doit être tout à fait volontairement organisé sur le fait que ce n'est pas seulement la lecture d'un texte mais qu'il s'agit aussi d'élever un texte à une dimension telle qu'il permette d'en dégager les voies les plus propices dans un esprit de critique assidue. Cela ne veut pas dire qu'on va tout détruire mais que l'on ne va pas non plus tout accepter les yeux fermés. L'accent de cette organisation, et il est tout à fait important que je l'écrive au tableau, c'est ceci : un nombre défini N + 1( ?). Ce plus un, je vais le mettre sous la forme d'une interrogation. Nous verrons comment la chose est à interroger.
Je ne vais pas conclure la journée car, telle, la chose n'était pas prévue. Je regrette simplement que Maryvonne qui a donné tous les éléments de l'affaire[1] n'ait pas poussé un tout petit peu plus loin son propos parce qu'elle a pratiquement tous les éléments pour trouver la réponse. Le chapitre des dames reste donc ouvert. Ce qui va vous offrir d'autres occasions. Je crois que vous serez d'accord avec moi, pour considérer que ce genre de journée est tout à fait intéressant et essentiel pour nous de nous donner l'occasion de pouvoir échanger. C'était le but et je crois que c'est assez bien réussi.
J'avais proposé à Karine de parler un peu méthode de travail parce qu'il est bien évident que nous sommes non seulement de simples lecteurs mais aussi que nous avons le devoir, l'obligation pour nous-mêmes d'opérer un certain type de lecture, en particulier des lectures qui ne soient pas solitaires. Raison pour laquelle je vais vous parler du cartel. Le cartel est cette réunion de quelques-uns qui décident de se donner un objet de travail pour une durée déterminée ou indéterminée. L'idée vient de Lacan, bien entendu, la date d'introduction de ce dispositif est tout à fait importante, c'est 1971, au moment où il rédige l'Acte de fondation de l'École Freudienne de Paris.
Pourquoi cette date est-elle aussi importante ? Parce que c'est un certain virage dans l'évolution de son enseignement. 1971 est à peu près le moment du Séminaire des quatre discours : L'envers de la psychanalyse et la finalisation de la proposition du fonctionnement des cartels se trouve dans le temps un peu avant RSI, c'est-à-dire de ses développements sur le nœud borroméen. Ceci pour vous situer l'esprit dans lequel Lacan a conçu la problématique du cartel. Car, c'est quelque chose de tout à fait important, vous verrez que ce n'est pas un simple petit groupe de travail où on dit : « Allez, il faut bosser ! » Non, ce n'est pas tout à fait ça.
Le cartel se définit par une élaboration soutenue en petit groupe réunissant un certain nombre de personnes, entre trois et cinq plus une. Cette petite association a pour premier but d'abord d'être limitée et le second but est celui où Lacan considère que c'est s'engager dans les voies les plus propices à maintenir la praxis dans son originalité. Déjà vous voyez, en 71, il s'agissait de marquer un peu les choses du côté de l'analyse et que ce ne soit pas n'importe quoi. Et le troisième point défini par lui est la critique assidue des compromissions et déviations qui amortissent le progrès de l'analyse. L'accent est porté là à ce qu'il doit être tout à fait volontairement organisé sur le fait que ce n'est pas seulement la lecture d'un texte mais qu'il s'agit aussi d'élever un texte à une dimension telle qu'il permette d'en dégager les voies les plus propices dans un esprit de critique assidue. Cela ne veut pas dire qu'on va tout détruire mais que l'on ne va pas non plus tout accepter les yeux fermés. L'accent de cette organisation, et il est tout à fait important que je l'écrive au tableau, c'est ceci : un nombre défini N + 1( ?). Ce plus un, je vais le mettre sous la forme d'une interrogation. Nous verrons comment la chose est à interroger.
Ce plus une ou plus un ne constitue nullement un lieu de maîtrise ni de chefferie, cela ne désigne pas le signifiant Maître S1. En effet il y a eu un échange dans l'École à ce sujet avec Lacan (il y a quarante pages tout à fait extraordinaires), où ils se sont tous mis à dire « Ah oui ! Ça c'est drôlement bien cette histoire des cartels parce qu'il n'y a pas de chef... » C'était le point important qu'ils avaient repéré alors que malheureusement ce n'est pas du tout la question. Elle est au contraire la suivante : dans un grand groupe - d'ailleurs comme le nôtre - dès que ce groupe se met à parler en dehors de ses zones de travail, nous le savons très clairement, parce que nous l'entendons régulièrement : le groupe c'est l'obscénité. Et ceci non pas parce que les individus qui composent ce groupe sont forcément des individus obscènes mais la fonction du groupe consiste à produire des obscénités. D'ailleurs, si vous relisez Massenpsychologie de Freud, ce n'est guère beaucoup mieux : on peut comprendre que la propriété des masses conduit à cela et que ça évolue aussi vers le type de ce que Lacan appelle les obscénités.
Le cartel est constitué de 3 à 5, plus un, voilà la forme souhaitable. Lacan n'a pas dit la forme souhaitée définitive, il a dit que c'est la forme souhaitable. Pourquoi ? Parce qu'il y a quatre pôles, on les oublie tout le temps d'abord parce qu'ils sont tellement évidents ; dès lors il faut les rappeler : premièrement, il y a l'analyse, le divan. Deuxièmement : le contrôle individuel. Troisièmement : la fonction du cartel et quatrièmement : la relation à l'Association. Ces quatre relations ou situations font que nous sommes ce que nous sommes ; à savoir que ce qui nous définit sont quatre pôles où existe du travail en commun. Il y a du travail en position singulière certes, mais l'important est que le cartel soit en position de coupure voire de rupture, pour ne pas utiliser un mot excessif, coupure ou rupture avec le grand groupe, avec l'Association, avec l'École à l'époque. Pourquoi ? Eh bien, si nous voulons que dans le cartel quelque chose se dégage en acte au sens analytique du terme, il faut que cet acte se réalise dans le lieu du cartel et non pas dans le groupe puisque de toute façon dans le groupe ce n'est pas possible. La spécificité d'un groupe est qu'aucun acte ne peut s'y réaliser.
Il y a là de la part de Lacan une volonté tout à fait déterminée : à savoir que la visée du cartel soit un acte, un acte analytique bien sûr, un acte, une production peut-être, mais pas forcément, le but n'est pas de produire du papier. En outre, il avait évoqué une chose qui est tombée tout à fait en désuétude et qui ne s'est même, je crois, jamais réalisée, sauf dans une Association ultérieure à la dissolution de l'École Freudienne : que la finalité du cartel soit une modalité d'entrée dans l'Association ou dans l'École à ce moment-là. Lacan souhaitait que l'entrée ou l'adhésion à la grande famille, à l'École ne se fasse plus à titre individuel mais passe par le mode du cartel. Ce devait être un cartel qui entre dans l'Association et non pas des individus. Voilà. Ce qu'il avait dit n'était pas un ordre mais un souhait qu'il énonçait pour sa part. Le terme de cartel d'ailleurs vient du mot latin cardo qui veut dire gond, c'est ce qui permet d'ouvrir une porte et de la franchir. Le but de ce cartel... non ce n'est pas un con, hein ! C'est un gond ! Oui, oui, oui... ! (rires)[2] - le but est de produire un progrès réel sur les effets de l'analyse.
En effet, nous ne pouvons pas considérer que même une longue cure sur un divan soit suffisante pour faire un analyste. C'est évident. On imaginait, avant Lacan, qu'il y avait une partie pratique et puis une partie théorique, comme je l'entends parfois dire, qu'il y aurait la partie pratique qui serait l'analyse thérapeutique personnelle et une analyse didactique ensuite, etc. Non, la chose est que les séances, la cure apportent une expérience mais après, concernant le mode de transmission du savoir que cela implique, comment faisons-nous ? On ne va pas faire comme dans le discours universitaire ou mandarinal, il faut trouver d'autres modalités de fonctionnement de transmission : le cartel a cet avantage d'être un lieu où non seulement on va étudier, mais aussi un lieu que l'on va rejoindre en tant que s'y manifeste un désir, celui d'entrer dans le savoir spécifique du discours analytique. Je crois que là aussi cette chose est très importante. Et puis ce peut être un lieu où seront évitées les postures identificatrices qui, nous le savons, sont des formes de résistances autant à l'analyse qu'à notre esprit critique stimulé par la lecture du texte ou l'étude des formalisations.
Que veut dire ce plus un, de ce nombre X+1? Évidemment, la première chose venue à l'esprit des élèves de Lacan qui n'étaient pas plus avancés que nous, et puis nous ne sommes pas très loin de mai 68, ils ont tout de suite imaginé que ça serait un groupe avec un Führer ou un Duce qui organiserait, qui permettrait de précipiter les identifications. Un tel débat qui s'est tenu dans les années 75 est tout à fait remarquable ! Lacan faisait déjà un enseignement depuis près de vingt ans, il forme comme ça, il dépose la notion de cartel et la première chose que disent ses élèves c'est : « Ah oui, c'est bien, parce que ça nous évite l'imaginaire de la chefferie ». Autrement dit, cette remarque ne la limite pas du tout, ça la refoule, c'est tout. Plus intéressant est qu'au moment où Lacan a émis cette notion de cartel, c'était autour de la formalisation des quatre discours. Il y a quatre discours, c'est-à-dire trois plus un, on pouvait déjà voir le modèle se dessiner un peu : les trois discours traditionnels que sont celui du Maître, celui de l'Universitaire, celui de l'Hystérique et le dernier en date, le discours Analytique. Dans le discours lui-même il y a quatre places, là aussi trois plus une. Il va essayer de régler lui-même son attention sur cette formulation, et la nôtre en même temps : dès lors qu'est-ce, ce plus un ? Quelle est sa signification ? Interrogation tout à fait essentielle. Parce que le cartel ce n'est pas trois copains plus une ou trois copines plus un, ce n'est pas une manière commode ou aisée de couper la tarte en quatre, etc., parce que c'est toujours très compliqué de couper un gâteau en trois, ça simplifierait les opérations. Ce n'est pas cela du tout. C'est tout simplement parce que Lacan va réélaborer cette notion qu'il avait jetée dans l'acte de fondation, il va modeler la fonction du cartel sur la notion qu'il est en train de développer, à savoir une structure selon le nœud borroméen.
Le nœud borroméen, c'est-à-dire le nœud à trois d'abord, voilà. Trois qui se présentent d'une manière imaginaire, trois ronds qui sont noués d'une certaine façon. C'est une figuration imaginaire, il insiste là-dessus dans son séminaire, pas dans sa définition du cartel : la mise à plat est une mise en imagination où pourtant c'est un Réel qui le tient. Je crois que cette formulation résume assez bien ce qui peut être entendu dans cette notion de cartel. Autrement dit, on peut régler ses accommodations pour réunir quelques personnes ensemble, laisser jouer le jeu imaginaire et néanmoins le fait qu'il y ait un chiffre, un nombre plus exactement, un nombre qui soit défini, constitue en quelque sorte un Réel. Ce qui se déroule là est à l'identique de ce qui se passe dans le nœud borroméen. Supposez un nœud borroméen, il y a trois cordes de caractère strictement équivalent, mais si vous en coupez une, les deux autres fichent le camp. Ceci veut dire que celle que vous coupez, vous lui donnez une valeur différente des deux autres qui restent fermées. Autrement dit, il y a là une petite énigme et si nous faisons un nœud à quatre, par exemple avec le symptôme, ça va être pareil. Si nous rompons la corde du symptôme, par exemple, il y aura trois ronds désolidarisés, plus un qui est la corde du symptôme. Donc cet un, si vous voulez, est noyé dans le nombre mais en même temps il a une valeur particulière, momentanée au moment où on fait la coupure, voilà. Vous voyez c'est un peu dans cet esprit-là que Lacan avait anticipé sur sa formulation X +1.
Lacan a suggéré plusieurs interprétations de cette fonction du + 1. C'est peut-être quand il y en a un qui s'absente du cartel, ça peut libérer le cartel, ça peut même l'arrêter tout simplement. Le fait que quelqu'un n'ait plus envie de travailler dans un cartel peut effectivement arrêter le cartel parce que tout d'un coup plus personne n'en a envie, sans que celui qui part puisse être forcément intitulé d'une chefferie quelconque. Ça peut être quelqu'un de tout à fait effacé et cela s'est vu dans certains cartels. J'en ai connu un qui a été dissous d'une façon tout à fait inopinée par le départ de quelqu'un, départ auquel on ne s'attendait pas.
Mais on peut aussi organiser le cartel et l'accommoder sur le Réel du non-rapport ; on n'est pas obligé de rester dans la notion d'un Réel pur comme la corde du nœud borroméen. On peut très bien organiser un cartel sur ce Réel ou bien sur le sujet de l'inconscient, à savoir définir le plus un que vous allez camper dans vos réunions, le plus un, comme étant le sujet de l'inconscient, tout simplement. Il existe par conséquent quelque chose qui à la fois est à l'intérieur du travail, du groupe, de ce rassemblement et en même temps ce quelque chose se trouve en un lieu Autre qui n'est pas forcément présentifiable par la figuration des membres du groupe lui-même.
Il ne faut pas oublier que bien avant l'élaboration du nœud borroméen, existait dans la technique de l'analyse une référence, qui à cette époque-là - et depuis belle lurette puisque le premier texte de Lacan sur RSI est de 1953 - donc depuis le début, tout l'enseignement de Lacan se trouve pris sous cette, je dirais, cette référence à une dimension du trois. Dès lors, on est parfaitement autorisé à organiser le cartel à partir du fait que l'analyse effectivement se réfère toujours à du trois, c'est-à-dire à R, S, I, c'est-à-dire aussi à trois trous, c'est là l'important. On verra tout à l'heure, ces trois trous, c'est la raison du symptôme. Et s'il n'y avait pas ce trou, dit quelque part Lacan, on ne voit pas ce qu'il y aurait à faire en tant qu'analyste. Autrement dit, cette trinité est fondatrice de notre acte il n'y a donc pas de raison qu'elle ne soit pas fondatrice momentanément pour le cartel.
Mais cet un - et c'est marrant que vous ayez évoqué ce problème de nomination ce matin et cet après-midi - parce que ce plus un justement il est possible aussi de le constituer en tant que nommé, pas forcément dans l'abstraction du chiffre ou du nombre mais comme nommé, c'est-à-dire Freud, Lacan, Melman, etc., tout ce que vous voulez, tout autre de la psychanalyse. Donc ce plus un, vous pouvez avoir, par exemple, quelqu'un de parmi nous qui a une forte tendance à lire et à utiliser plutôt les formulations de Ferenczi, de Mélanie Klein, qui vient ennuyer le cartel avec ses trucs, ou bien aussi un cartel qui veut faire du Freudo-Lacan pur et qui est ennuyé par ce type qui fait du Ferenczi à tout bout de champ... Bon, eh bien ça, ça fait partie du travail aussi, du travail critique et de réflexion.
La question du trou, qui est là toujours permanente, peut s'exprimer ou bien par le fait que ce trou soit situé comme Autre ou bien comme rapport de chacun dans cette expérience de cartel au trou et à cet Autre. On peut aussi imaginer que ce trois, comme aujourd'hui, puisse être Inhibition, symptôme et angoisse, en quoi nous ne sommes ni forts et ni asymptomatiques. Vous pouvez penser aussi au plus un de l'amour du transfert et aussi de la haine - peut-être que certains voudraient mettre un moins un de la haine, cela n'a pas d'importance - et quand même le grand trou, celui que Freud a fondé et a nommé : l'Urverdrängung, le refoulement originaire. C'est lui, le trou, là où Freud a situé l'inconscient : il l'a situé et puis il l'a nommé, et à partir du moment où Freud a nommé ce trou, eh bien, cela a changé la face du monde, au moins celle de la culture occidentale. Voilà quelque chose de tout à fait important de s'apercevoir que le jour où cela a été nommé, toute notre civilisation en a été changée.
Il nous faut aussi, je vais le faire rapidement, définir un peu quels sont ces trois termes de ce R, S, I plus un qui composent notre dispositif de cartel. Le Symbolique, ce n'est pas compliqué à définir, c'est quelque chose qui fait trou, comme cela a été évoqué ce matin : le livre qui manque dans la bibliothèque, ce qui manque est facile à reconnaître. L'Imaginaire est déjà plus complexe puisque ça se rapporte automatiquement au corps avec ses trous ; et puis là-dedans, entre ces deux, entre le Symbolique et l'Imaginaire, il y a les incidences du langage liées aux divers trous du corps et de ce qu'il faut adjoindre des pulsions avec en plus la dimension du sens. Les pulsions, c'est encore une catégorie qu'on peut dire à part. Il y a cet Imaginaire, ce Symbolique, le langage, les trous, le monde des pulsions et vous couronnez tout ce ramassis par le non-rapport. Évidemment, le Symbolique est ce que Freud attendait - c'est ce qui part de l'Urverdrängung du refoulement originaire - à la suite duquel symbolique vont se former, se formaliser tous les autres refoulements et qui font tenir le tout ensemble. C'est ce qui est extraordinaire, c'est que nous tenons, nous pouvons tenir ensemble que par un... Melman cite souvent que toute institution est fondée sur un trou, sur un Réel... eh bien, ici entre gens, entre personnes, entre individus, entre sujets c'est l'Urverdrängung qui tient les sujets ensemble, qui fait tenir le tout : les sujets, l'Imaginaire, le Symbolique et le Réel. Raison pour laquelle - comme disait Lacan - l'amour ne se fait pas entre un homme et une femme, ce n'est pas ce que vous pensez, mais toujours avec la Chose, Das Ding, introduite par Freud dès avant qu'il ait commencé à écrire la Traumdeutung, il avait déjà mis Das Ding en forme dans son papier de l'Entwurf. C'est quand même remarquable ! Si nous voulons chercher un acte de fondation de la psychanalyse, il est là ! Ceci pour le Symbolique. L'Imaginaire en tant que corps, la jouissance phallique lui fournit une consistance mais qui s'associe au concept de plus ou demoins : + j ou - j. Bien sûr ce qui permet au phallus d'être marqué non seulement de sa signification symbolique mais également de sa signification imaginaire moins j qui est la forme imaginaire de cette formalisation, et puis le Réel qui lui, n'a pas de sens mais où c'est le symptôme qui lui en donne un. Voilà la raison pour laquelle, au symptôme on y croit dur comme fer, remarque Lacan.
Les modes et les référents de constitution d'un cartel peuvent être extrêmement variés dans leur diversité, l'essentiel est qu'ils aient lieu dans une Association.
Je passe très rapidement parce qu'il faudrait prolonger cette soirée : ce plus un en dehors de la visée spécifique de chaque cartel, puisque chaque cartel se donne un sujet, eh bien, je conclurai de la manière suivante : ce plus un est quelque chose disons à prendre au sérieux puisque cet un doit être considéré dans sa plus grande équivocité structurale. Cela peut être l'Autre inconscient, comme je l'ai cité, ça peut être le symptôme, ça peut être la quatrième corde du nœud borroméen qui est le symptôme, ce peut être le Symbolique. Le Symbolique ou le symptôme nous concevons que c'est à peu près équivalent et puis l'autre référent qui est plus un majestueux, le phallus. Donc tout cela est là, je dirais qui fait signe à la place du un dans cette formule X+1 et est autorisé à faire signe dans la structure même du cartel. Cela ne veut pas dire qu'on va sortir un texte phallique, non..., cela veut dire que la prise en compte de ces indices, l'Autre inconscient, le sujet inconscient, le symptôme, le phallus, etc., tout cela sont des référents à travailler, pas à exporter comme tels. Ce sont des référents à travailler comme d'ailleurs cela a fort bien été fait aujourd'hui.
Mais surtout je le souligne, notre expérience de la transmission de la psychanalyse, cela fait quand même un moment qu'on tourne autour de ces arêtes, de ces points cruciaux, de notre affrontement au Réel et à sa vérité avec nos difficultés ou les échecs finalement du désir, comme je m'emploie à le soutenir dans mon séminaire depuis quelques années. L'expérience de transmission de ce Réel ou d'un Réel tel qu'il se constitue dans le cartel ne peut se réaliser que par l'expérience d'une traversée individuelle de ce Réel dans un ensemble collectif, pas en analyse. On ne va pas pousser quelqu'un en analyse jusqu'à ce qu'il aille traverser le Réel, c'est extrêmement dangereux. Il faut aller le reconnaître et puis le regarder de loin, on peut faire beaucoup de choses mais on ne va pas demander cette traversée du Réel alors que dans un collectif tel que le cartel cette traversée peut opérer grâce à une traversée des béances de chacun, à quoi le cartel structuré correctement est supposé conduire, conduire à dégager en chaque point le Réel de notre expérience. Sinon les élèves et membres d'un groupe analytique ne seront que les détenteurs d'un savoir clos. Il n'y a pas d'autres façons. Et je crois que si Lacan a créé cette notion, cette dynamique du cartel c'est justement pour éviter ce qui est inévitable dans un groupe, à savoir la constitution d'un savoir clos, dès lors inutile. De cela il s'en était parfaitement rendu compte dans les années 1971, 1975 en tentant de créer cette idée, ce concept de cartel.
Après ces précisions, je n'en dirai pas plus, c'est à nous de décider comment nous voulons fonctionner, comment nous décidons de fonctionner et selon quel référent. La garantie, c'est que ce groupe, ce cartel a justement cette spécificité du nœud borroméen, lequel nœud borroméen est donc non pas une conceptualisation mais notre technique analytique ; et donc ça peut aussi être notre expérience de travail, c'est là ce qui est précieux. Est-ce que l'analyse peut se poursuivre dans un comité réduit de travail, est-ce que cela remplace ce que Freud avait imaginé et qu'il avait appelé Durcharbeitung, ce qu'on a traduit en français, parce qu'on n'a pas l'équivalent en langue française, par translaboration ? Voilà, restons sur cette question ouverte.
[1] Maryvonne Febvin : La femme analyste, le transfert, et le désir de l'analyste.
[2] Du latin Cardo : Gond, pivot, tenon ou mortaise ; au sens figuré : point sur lequel tout roule, point capital : « tanto cardine rerum », Virgile : où se trouve le pivot de chaque affaire. Toutefois, cette étymologie paraît incertaine en ce qui concerne le terme français de « cartel » qui fait référence au chardon (cardo), à sa fleur, qui servait à filer la laine ou le lin, à séparer les fils, d'où le verbe « carder ».